L’institut Montaigne a réuni le 11 septembre 2018 des professionnels du dialogue social autour du « chambardement » créé par les ordonnances Macron de septembre 2017. Les débats se sont concentrés finalement sur les questions et les réponses autour de l’intérêt, de la méthode, des outils pour mener des relations sociales constructives dans les entreprises.
Sur la première table ronde étaient réunis : Emmanuelle Barbara, avocate, senior partner chez August Debouzy ; Marie-Noëlle Cano, déléguée syndicale CFDT dans le groupe MACSF, mutuelle d’assurance pour les professionnels de la santé ; Antoine Recher, DRH du groupe Onet, société de nettoyage, sécurité et logistique et Patrick Thélot, PDG et fondateur du groupe Armonia, spécialisé dans la sûreté aéroportuaire notamment. Stéphane Béchaux, journaliste et chroniqueur sur LCI animait les échanges.
Peut-on négocier sur tout dans l’entreprise à présent ?
Pour Emmanuelle Barbara, avocate, « en théorie le dialogue social peut pratiquement tout », alors que la loi, en retrait aujourd’hui sur les sujets de négociation avec les ordonnances Macron, elle, « ne peut pas tout ». Désormais, pour la juriste, « les partenaires sociaux peuvent co-construire leurs droits et leurs règles sur le terrain. Il est un peu tôt pour dire si cela marche, mais ce qui est sûr, c’est qu’il y a dans le fond la nécessité de réorganiser ce dialogue social, dont on dit qu’il est en situation de pourvoir des accords à fort contenu, des accords qui ont du sens. »
Pour le chef d’entreprise Patrick Thélot, patron de 25 000 personnes réparties dans une trentaine de sociétés, le dialogue social n’a jamais posé de problème et il est « une nécessité absolue ». Même s’il admet que sur un tel volume d’employés, il y a inévitablement, en permanence, une centaine de cas devant les Prud’hommes. Quand on lui demande quel nouveau sujet il lui paraît important de négocier, il répond sans hésitation : le numérique, qui concerne les nouvelles générations et qui est présent partout.
Quelles conséquences sur la négociation d’entreprise avec le CSE ?
Chez Onet, entreprise familiale de 70 000 salariés, dont 60 000 en France et 370 comités d’entreprise et CHSCT, la mise en place du CSE, comité social et économique, est en cours de négociation, avec un focus particulier sur la partie SSCT, santé, sécurité et conditions de travail. Pour son directeur des ressources humaines Antoine Recher, la question centrale va être de construire de nouvelles instances de représentation du personnel plus concentrée, à partir d’un « dialogue social disparate », éparpillé sur le terrain. En effet, Onet n’a aucun site de production puisque ses salariés travaillent directement chez le client. Pour le DRH, qui a été dirigeant dans d’autres grandes entreprises avant Onet, « il n’y a pas qu’un seul dialogue social. Sa nature évolue en fonction de l’entreprise, des métiers, du secteur et chacun se l’approprie à sa manière. »
En réponse à l’intervention d’un représentant syndical de la CFDT dans le public qui considérait que les employeurs avaient essentiellement une vision budgétaire de la mise en place du CSE, Emmanuelle Barbara a réagi en rappelant qu’en effet, si la réforme et la création du CSE incitaient toutes les entreprises à comparer l’avant et l’après, y compris sur le plan budgétaire, ce dernier point n’était pas déterminant dans la réflexion. « La centralité du CSE, avec désormais un représentant du personnel au lieu de trois, renforce la position de cette personne. C’est un débat désormais à deux et non plus à douze qui va se mener dans l’entreprise et cette idée de resserrement implique une progression dans les échanges » estime-elle.
Philippine Arnal-Roux
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