Accord rupture conventionnelle collective. Un 1er jugement sur les conditions de validation

Le tribunal administratif de Cergy Pontoise a rendu la première décision de justice sur un accord de rupture conventionnelle collective. Elle confirme la grande souplesse du dispositif et encadre la portée du contrôle opéré par la Direccte.

accord rupture conventionnelle collectiveQuel est le rôle réel de la Direccte en termes de contrôle des accords RCC ? C’est à cette question que le tribunal administratif de Cergy Pontoise a répondu, dans un jugement rendu le 16 octobre 2018*. Le juge avait été saisi par un syndicat non signataire, un salarié et le CHSCT de Téléperformance France, qui lui demandaient d’annuler la validation de l’accord RCC signé au mois de mai précédent par la CFDT, la CFE-CGC et la CFTC. Le tribunal a rejeté l’ensemble de leurs arguments.

RCC et difficultés économiques sont compatibles

Ainsi pour les juges, le fait que des difficultés économiques soient à l’origine de la rupture conventionnelle collective n’est pas de nature à invalider l’accord. Dès lors qu’il comporte une clause interdisant tout recours à des licenciements économiques pendant un « délai raisonnable » (en l’occurrence, 12 mois), l’accord RCC peut être considéré comme conforme au code du travail. Dans ce cas, l’employeur n’est donc pas obligé de déclencher une procédure de PSE, quelle que soit la situation économique de l’entreprise. Il n’a pas non plus à prévoir de reclassements internes. Et l’administration n’a pas à se prononcer sur le choix de l’entreprise de recourir à un accord RCC ou à un plan de sauvegarde de l’emploi.

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Pas de contrôle de l’administration sur le contenu des clauses de l’accord de RCC

Le tribunal estime également que si l’administration doit s’assurer de la présence dans l’accord des clauses obligatoires, elle n’a pas à se prononcer sur leur contenu. Or, selon les demandeurs, les modalités de départage des volontaires au départ prévues par l’accord ne garantissaient pas le respect du principe d’égalité de traitement. Ils reprenaient ainsi l’une des critiques adressées à la rupture conventionnelle collective au moment des ordonnances Travail, et qui avaient conduit le ministère du travail à publier un « Questions-réponses sur la RCC ».

Dans ce document, à la question « L’employeur peut-il réserver les départs dans le cadre de la RCC à certains types de salariés ? », l’administration répondait : « De telles dispositions sont licites si elles respectent le principe d’égalité de traitement et si les règles déterminant les salariés éligibles au départ volontaire sont préalablement définies et objectives. L’administration s’assurera à ce titre que les critères de sélection des candidats aux départs sont clairement définis et tiennent compte autant que possible de la viabilité du projet professionnel du salarié. »

Le TA de Cergy-Pontoise n’a pas suivi cette voie et a opposé aux demandeurs une lecture stricte de la loi.

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Pas de consultation des IRP pour une rupture conventionnelle collective

Par ailleurs, le tribunal a rejeté l’argument selon lequel l’employeur aurait dû consulter le CE au titre de ses compétences générales, ainsi que le CHSCT, dans la mesure où l’accord avait pour effet de contribuer à « une restructuration et à une compression des effectifs salariés de la société ». De fait, l’accord RCC de Téléperformance France prévoyait la suppression de 226 postes sur 2 175 salariés. Le jugement confirme ainsi que seule l’information du CSE (ou, dans ce cas, du CE) doit être organisée. L’administration devant seulement s’assurer du respect de la procédure, prévue par l’accord.

Enfin, le fait d’informer tardivement l’administration de l’ouverture des négociations n’entraîne pas la nullité de la procédure, dès lors que ce retard ne porte pas atteinte « à une garantie de procédure » et n’influence pas « le sens de la décision » de validation prise par l’administration.

Le jugement du TA de Cergy Pontoise devra bien entendu être confirmé à l’avenir. Quoi qu’il en soit, il rappelle le rôle et la responsabilité importante des partenaires sociaux dans le déclenchement, l’encadrement et la mise en œuvre de la RCC, le traitement des salariés concernés et la qualité des mesures sociales d’accompagnement.

*TA de Cergy-Pontoise n°1807099 – audience du 2 octobre 2018

Élodie Sarfati
À savoir égal

Agence de digital learning en social-RH