Martine Sepiéter est responsable du service de médiation de la SNCF depuis 10 ans. Elle revient sur la façon dont cet outil, dédié à la résolution des conflits interpersonnels, a été construit et mis à disposition des managers. Elle rappelle aussi les conditions de la réussite d’une médiation et de son appropriation par les collaborateurs.
Pourquoi avoir créé un service de médiation en 2009 ?

Martine Sepiéter est la responsable du service de médiation qu’elle a créée à la SNCF. DR
La création de ce service est la conjonction d’un contexte et d’une aspiration personnelle. A l’époque, dans toutes les entreprises, la problématique des risques psycho-sociaux émergeait, tout comme les politiques de qualité de vie au travail. De mon côté, persuadée que la médiation contribuait à la performance sociale de l’entreprise, je cherchais à voir comment mettre en place ce mode alternatif de résolution des conflits au service de la SNCF. J’ai lancé un groupe projet pluridisciplinaire composé de responsables RH, de spécialistes QVT, de médecin, d’ergonome, de managers opérationnels, etc. Ensemble, nous avons cherché à identifier les leviers et les freins, à apprécier l’appétence en interne pour cet outil et à faire émerger un dispositif de médiation. En 2010, nous avions le feu vert du DRH corporate pour lancer une expérimentation.
Quels sont les fondements de cette offre de médiation ?
Nous avons décidé que cet outil serait à disposition des managers pour rester en cohérence avec leurs responsabilités légales en matière de santé et de sécurité au travail. Ensuite, nous avons circonscrit la médiation à une thématique, celle des conflits interpersonnels où il n’existait rien à l’époque au sein de la SNCF, alors que nous étions déjà bien outillés sur d’autres thématiques comme le management ou la QVT. Enfin, nous avons choisi de mettre en place une médiation de facilitation. C’est-à-dire que dans sa posture, le médiateur n’est pas là pour préconiser des solutions toutes faites mais bien pour faciliter l’écoute et l’expression mutuelles des différences de point de vue entre deux collaborateurs ou un collaborateur et son manager.
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Avez-vous associé les représentants du personnel à la démarche ?
Nous avons décidé de faire de la médiation un outil managérial, pas un outil de concertation. A l’époque, le groupe de travail a répondu favorablement aux sollicitations des partenaires sociaux pour expliquer la démarche et favoriser sa bonne compréhension. Par ailleurs, si l’outil de médiation est bien à la main du manager, tout collaborateur qu’il soit opérationnel, mais aussi médecin, responsable RH, membres élus du CSE, peut suggérer une médiation sur une situation qui le mérite. Les acteurs de la santé et de la sécurité dans l’entreprise sont particulièrement concernés par cela.
Comment se décide une médiation ?
Le manager sollicite une médiation auprès du réseau des correspondants médiation. Ce sont des RRH, des consultants internes, des responsables des relations sociales que nous avons formés pour analyser la demande, accompagner le manager dans sa démarche et peut-être l’orienter vers une autre solution si la médiation n’est pas jugée pertinente. Si la demande est validée par ces correspondants, le service médiation, situé dans le pôle « Accompagnement du changement – Qualité de vie au travail – RPS » au sein de la direction de la stratégie RH, identifie un médiateur dans le réseau interne pour la prendre en charge.
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Qui sont les médiateurs ?
Ils peuvent être managers de proximité, responsable RH, spécialistes ou directeurs d’établissement au sein de la SNCF, qui consacrent 10 à 15 % de leur temps de travail à cette mission. Le réseau compte aujourd’hui une trentaine de médiateurs, tous triés sur le volet, formés et agréés par mon service. Réaliser une médiation de facilitation dans le cadre d’un conflit interpersonnel n’a absolument rien de naturel. La sélection des candidats se fait en plusieurs étapes, leur formation s’étale ensuite sur plusieurs mois et une fois agréés, les médiateurs ne travaillent pas tout de suite en autonomie mais participent à des co-médiations. Cette année, nous accueillons la 7ème promotion.
Quelles sont les conditions de réussite d’une médiation dans un conflit interpersonnel ?
Ce qui importe, c’est la qualité de la proposition qui sera faite aux collaborateurs concernés. En aucun cas une médiation ne doit être imposée à un collaborateur. Bien entendu le médiateur travaille en toute confidentialité. C’est une personne extérieure au service où se joue la situation conflictuelle, pour gommer tous les enjeux qui existent dans une relation entre un manager et un collaborateur, ou entre deux collaborateurs. Au début du processus, nous signons un contrat avec le directeur de l’entité impliquée. Les éléments de déontologie y sont précisés, dont la confidentialité sur la parole exprimée. Ensuite, un premier entretien avec les personnes concernées permet de préparer les conditions de la médiation. A ce stade, la médiation peut s’arrêter du fait d’un des collaborateurs ou du médiateur. Si la médiation se poursuit, un deuxième contrat est signé entre le médiateur et les personnes en question.
Depuis 10 ans, les managers se sont-ils emparés de cet outil ?
Je ne suis pas certaine que ce dispositif soit encore connu de tous les managers. Cette année nous avons réalisé une centaine de médiations. La moitié concernait un conflit entre deux salariés, l’autre moitié entre un manager et une personne de son équipe. Compte tenu de l’effectif du groupe SNCF (270 000 collaborateurs – NDLR) on pourrait penser que c’est très peu. Mais finalement ce n’est pas ça qui est important. Si on regardait uniquement le nombre d’accords de médiation signés, on se tromperait, les effets de la médiation sont plus larges. D’une part parce que ce mode de résolution de conflit peut être adapté à certains managers mais pas à d’autres. Ensuite parce que nous sommes sur de l’humain. Ce que je constate parfois, c’est l’effet « médiation sans médiation ». C’est-à-dire qu’avant même qu’il y ait une rencontre effective en médiation des personnes, le fait d’avoir mis des mots sur le problème apaise la situation et aide chacun des protagonistes à tourner la page.
Anne-Cécile Geoffroy
A savoir égal
Agence de digital learning en social-RH
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