Salarié en souffrance. Réseau d’aidants et recours à un expert

L’atelier organisé le 28 mars autour de l’accompagnement individuel des salariés en difficulté ou en questionnement, a réuni syndicalistes, DRH et experts qui ont pu partager leurs points de vue avec le public. Des réseaux et des solutions concrètes existent pour venir en aide et orienter ceux qui en ont besoin. Reste à les faire connaître.

Quand un salarié montre un moment de faiblesse, fait face à une difficulté personnelle qui transparaît sur son lieu de travail ou qu’un conflit se déclenche au sein de l’entreprise, comment faire face et accompagner quand on est syndicaliste, manager ou DRH ?

salarie en souffrance

Photo : Unsplash

Aude d’Argenlieu, directrice générale de l’Institut d’accompagnement psychologique et de ressources, l’IAPR était aux côtés de l’animatrice et organisatrice de l’atelier* pour apporter au débat l’expertise d’IAPR, soit plus de 17 ans en prévention, accompagnement des risques psychosociaux et santé au travail. La psychologue de métier a rappelé que plusieurs méthodes d’accompagnement individuel et collectif existaient en fonction de la situation rencontrée : post–traumatique, conflit interne à l’entreprise, épuisement professionnel, stress, mal-être au travail, restructuration, etc.

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Un besoin d’écoute des salariés non comblé par les employeurs

Selon l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, en 2012, un salarié sur quatre serait en souffrance. En 2018, ils seraient un sur trois et en 2022, 50 % des salariés seraient concernés ! Pourtant, comme le rappelle Marie Pezé, docteur en psychologie, psychanalyste, experte auprès de la cour d’appel de Versailles, fondatrice du site www.souffrance-et-travail.com, la solution se situe dans les dix mètres autour de la personne concernée. C’est Jean-Paul Vouiller, délégué social en entreprise, coordinateur CFTC chez Hewlett Packard et co-fondateur du réseau ANREE, qui a présenté le contexte, s’appuyant sur une étude de Malakoff Médéric réalisée en 2018 auprès de 1 581 salariés, 303 dirigeants et 50 assistants sociaux (hors fonction publique). Elle révèle que 37 % des salariés vivent au moins une situation de fragilité personnelle  (conditions de travail éprouvantes ; perte de sens ; conciliation vie pro, vie perso) et que 38 % des salariés disent vivre au moins une situation de fragilité professionnelle (difficultés financières ; rôle d’aidant ; maladie grave).

Les conséquences sur la santé ont un impact sur le travail avec des troubles de la concentration, des erreurs fréquentes, une démotivation et une perte de confiance, l’isolement, etc. En réponse à ces constats, malheureusement, les entreprises n’ont pas l’attitude appropriée, selon l’étude du groupe de protection sociale. Alors que 43 % des salariés souhaiteraient plus de compréhension, d’écoute et d’empathie, 62 à 69 % des entreprises ont réagi en mettant en place des avances de frais, des aménagements du temps de travail ou de poste. Des actions qui ne sont pas en cohérence avec les besoins exprimés.

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Pourtant, rappelons que le code du travail (article L.4121-1 et suivants) précise notamment que « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs… ».

Que faire alors pour accompagner les salariés ? Vers qui les orienter ? Que peut faire la direction ? Quel est le rôle des syndicalistes ? Quand faire appel à un cabinet externe et pour quoi faire ?

L’approche de prévention et d’intervention de l’IAPR

L’IAPR, avec son équipe de psychologues, intervient de sorte qu’il y ait une continuité d’intervention et d’accompagnement sur les trois champs d’intervention que sont :
– la prévention primaire : études, diagnostics, conseils, interventions psychosociales
– la prévention secondaire : formations, sensibilisations, médiations, etc.
– la prévention tertiaire avec une permanence 24h/24 et 7j/7 via deux numéros : l’un pour les encadrants, l’autre dédié aux salariés, complétés par des interventions personnalisées si besoin.
Les conseils à distance permettent de comprendre et de décrypter la situation et le sens des enjeux, avec le regard neutre d’un tiers externe à l’entreprise. Le psychologue de l’institut ne prend la place de personne, et certainement pas celle du manager, car « à l’occasion d’un événement traumatique, il s’agit en premier lieu d’intervenir en appui et relais pour le manager, afin de réassurer les capacités de fonctionnement d’un collectif de travail » a précisé Aude d’Argenlieu.

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L’ANREE, un réseau d’aidants structuré et apporteur de solutions au salarié en souffrance

En réaction au suicide d’un salarié dans son entreprise, Jean-Paul Vouiller, militant CFTC, secrétaire du CE chez Hewlett Packard, a eu l’initiative de créer sa propre méthode pour « comprendre, stabiliser et agir » dans l’entreprise, avant de découvrir le réseau et les outils créés par les Québécois et dont il est aujourd’hui le relais en France. En 2012, il a co-fondé avec Philippe Boutrel, un autre militant CFTC, un réseau social interne pour aider les salariés en difficulté de son entreprise, Hewlett Packard (1 000 salariés), s’appuyant sur une démarche très documentée et balisée par le travail du syndicat des travailleurs québécois (FTTQ). C’est d’ailleurs avec l’appui du FTTQ et ses 35 ans d’expérience que les deux collègues ont cofondé en 2017, l’ANREE, association nationale des réseaux d’entraide en entreprise.

Les aidants ne sont ni des professionnels de santé, ni des professionnels du social, rappellent les fondateurs de l’association qui la définissent avant tout comme un centre de ressources (création d’un guide de 100 pages, formations par des partenaires) et un réseau d’aidants formés à l’écoute active et aux risques psychosociaux, les RPS.

Qui sont les aidants ?

Le recrutement des aidants consiste à détecter chez les personnes volontaires des qualités d’empathie, le respect de l’autre, le sens de la confidentialité, de la neutralité, de la discrétion, etc. « Ce sont des gens qui viennent pour les autres et non pas pour eux-mêmes. Ils doivent être altruistes et bienveillants ». Ce que l’on exige d’un aidant, ce sont : 90 % d’écoute, 10 % de propositions.

Aujourd’hui, l’ANREE a formé plus de 200 aidants dans 34 entreprises différentes et espère encore étendre son réseau, former plus d’aidants et ainsi pouvoir accompagner plus de salariés en souffrance. L’enjeu pour ces relais de proximité est de donner l’alerte le plus tôt possible sur des changements de comportements ou des signaux faibles, afin que les responsables RH et les managers interviennent efficacement.
Si selon Jean-Paul Vouiller les syndicats s’intéressent peu à cette question de l’aide aux salariés, en revanche, les DRH s’y intéressent pour des raisons qui vont du risque pénal encouru en cas d’inaction, au réflexe humaniste dont la finalité économique est escomptée. Certaines entreprises choisissent par exemple de s’intéresser à une seule thématique : Sanofi combat le cancer, les PME l’alcool, le sida, etc.

Mais dans ces cas particuliers, quelle est la place du syndicaliste, jusqu’où va son rôle ? Et celui du DRH, celui du médecin du travail ?

Retrouvez les réponses à ces questions dans la suite du compte-rendu de cet atelier : « Aider les salariés en difficulté à rebondir plutôt que de les écarter »

* Philippine Arnal-Roux, éditrice de Trouver-une-formation-CSE.com