S’il est bien un sujet tabou dans le monde du travail, c’est celui de l’homophobie. Or, l’entreprise est un lieu où s’exprime de plus en plus fortement le rejet des personnes LGBT*. Un sujet dont les équipes RH doivent s’emparer avec leurs partenaires sociaux.
En 2018, 11 % des cas de discrimination, de rejet, de harcèlement de personnes LGBT, rapportés à l’association SOS Homophobie, ont eu lieu au travail. En 2013, on en comptabilisait 5 %. Selon le dernier rapport de l’association, l’origine des agressions vient en premier lieu de collègues de travail directs (52 %), suivi par le supérieur hiérarchique (25 %), un subordonné (3 %), un syndicaliste ou un médecin du travail (2 %) ou un client (1% ).
L’homophobie, un harcèlement discriminatoire

La discrimination en entreprise peut aussi prendre la forme du harcèlement autour de l’orientation sexuelle individuelle. Photo : Unsplash
Les nombreux témoignages recueillis par l’association pointent des manifestations homophobes diverses : rejet de la personne par ses collègues (63 % des cas), insultes (54 %), actes de discrimination (44 %), de harcèlement (42 %) ou d’outing (21 %). Ce phénomène consiste à révéler à l’insu de la personne son orientation sexuelle ou son identité de genre (21 %).
Ce sont autant de situations qui pourraient être reconnues comme un harcèlement discriminatoire, c’est-à-dire un harcèlement moral fondé sur un critère de discrimination. Or, l’orientation sexuelle et l’identité de genre font partie des critères prohibés listés par la loi, au même titre que l’âge, le sexe, les activités syndicales, l’état de santé, le lieu de résidence, le nom de famille, etc. (article L1132-1 du code du travail et 225-1 du code pénal).
Le harcèlement discriminatoire peut en outre être constitué par un acte unique, à la différence du harcèlement moral qui nécessite des agissements répétés pour être reconnu.
Par ailleurs, une victime de harcèlement moral et de discrimination pourra le cas échéant obtenir des dommages et intérêts pour chacun de ces préjudices (arrêt du 3 mars 2015 de la cour de cassation).
Favoriser l’inclusion des personnes LGBT
L’employeur — à qui, rappelons-le, il revient d’assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale de ses salariés (article L4121-1 du code du travail) — doit donc non seulement prendre des mesures pour faire cesser ces comportements lorsqu’il en a connaissance, mais surtout déployer des politiques de prévention.
Pour enrayer l’homophobie, il peut mettre en place au sein de l’entreprise un climat qui favorise de fait l’inclusion des personnes LGBT. Des entreprises ont déjà commencé à formaliser leur engagement en signant par exemple des chartes de lutte contre les discriminations.
Beaucoup plus rares sont celles qui ont signé la charte d’engagement LGBT+ de l’association l’Autre Cercle, une association de professionnels LGBT+. Créée en 2013, la charte rassemble aujourd’hui 127 signataires : des entreprises, des collectivités, des fondations…
Parallèlement, des entreprises comme Volvo, Orange, Casino, mais aussi des organisations syndicales comme la CFDT et la CGT, ont publié des guides pratiques de lutte contre l’homophobie au travail.
Les référents harcèlement sexuel et agissements sexistes |
La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel oblige les entreprises de 250 salariés et plus à nommer un référent harcèlement sexuel et agissements sexistes. Les incivilités, les comportements hostiles, les agressions en raison de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre, entrent de fait dans ce champ.
Ce référent a pour mission : – de sensibiliser, – d’informer, – d’accompagner les salariés victimes, – de mettre en place une procédure de signalement et de traitement des situations de harcèlement sexuel et d’agissements sexistes. Par ailleurs, les CSE de toutes les entreprises doivent également désigner un élu du personnel référent sur ces questions. Pour aider les responsables RH, les partenaires sociaux mais aussi les victimes, le ministère du travail a récemment publié un guide pratique et juridique pour lutter contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. |
Pour lutter contre la discrimination, misez sur l’accord collectif
Pour aller plus loin et acter le refus de l’entreprise de toute forme d’homophobie, l’acte le plus engageant reste sans nul doute la négociation d’un accord collectif avec les représentants du personnel, assorti d’un plan d’actions.
La lutte contre les discriminations fait d’ailleurs partie de la négociation obligatoire sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail (article L2242-17 du code du travail), qui doit se tenir chaque année (sauf si un accord d’entreprise prévoit des dispositions différentes).
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A lire aussi : Quelles sont les négociations obligatoires ?
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Consultez les offres de formation en Négociation collective
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L’occasion d’y insérer explicitement par exemple les critères de non-discrimination liés à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre.
Reste ensuite à communiquer sur cet accord, à le diffuser pour que l’ensemble du corps social de l’entreprise, managers, salariés, en aient connaissance et s’en emparent.
Quelles actions contre l’homophobie ? |
Le défenseur des droits a publié en 2017 un guide très complet à destination des entreprises et de leurs partenaires sociaux pour lutter contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre et pour mettre en place des actions de prévention.
Il y liste différentes mesures à mettre en place, comme par exemple : – l’établissement d’un diagnostic avant toute élaboration d’un plan d’actions. – la garantie de l’égalité de traitement des personnes LGBT dans les processus RH en veillant notamment à ouvrir l’ensemble des avantages sociaux (mutuelle, crèche d’entreprise, congés familiaux…) aux couples de même sexe (mariés, pacsés ou concubins). – le traitement systématique des propos et agissements homophobes en diligentant une enquête interne avec le CSE dès les faits rapportés, en sanctionnant la personne auteure des propos et en le faisant savoir -la sensibilisation et la formation de l’ensemble du personnel pour faire évoluer les mentalités. Une fiche a également été publiée à l’intention des employeurs sur le harcèlement discriminatoire en entreprise. |
Anne-Cécile Geoffroy
A savoir égal
Agence de digital learning en social/RH
* LGBT : lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres
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