Petit à petit, les représentants de proximité font leur apparition dans les entreprises. Du moins dans celles qui ont conclu un accord dans ce sens, puisque leur mise en place est facultative et exclusivement conventionnelle. Faisons le point dans cet article sur les mesures négociées par plusieurs entreprises pour encadrer leur désignation, leur rôle et leurs modalités d’action.
Si le code du travail prévoit bien l’institution de représentants de proximité, il laisse le champ totalement libre aux partenaires sociaux. À eux en effet de décider d’instituer, ou non, ces nouveaux représentants du personnel, aux côtés des syndicats, du CSE et le cas échéant de la CSSCT. Et s’ils franchissent le pas, de déterminer les règles qui leur sont attachées.
En effet, selon l’article L2313-7 du code du travail, l’accord de mise en place des représentants de proximité définit également :
- le mode de désignation des représentants de proximité ;
- leur nombre ;
- leurs moyens (heures de délégation, notamment) ;
- leurs missions.
Alors quelles mesures les entreprises ont-elles négociées pour chacun de ces chapitres ?

Qui sont les représentants de proximité, de nouveaux délégués du personnel ? Photo : Unsplash
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Combien de représentants de proximité mettre en place ?
Le nombre de représentants de proximité (RP) possible est extrêmement variable.
L’accord Maif définit précisément le nombre de RP par site, de deux représentants de proximité pour 51 salariés à la Réunion, à 16 représentants pour les 2 600 salariés de Niort. En tout, la Maif compte 122 représentants de proximité pour 6 700 salariés, qui viennent compenser la disparition des délégués du personnel (DP) et des comité d’hygiène, santé et conditions de travail (CHSCT) locaux.
Chez Coca-Cola, la présence des représentants de proximité est renforcée sur les sites de production : il n’est prévu qu’un seul RP par tranche de 135 salariés (soit quatre RP) au siège, contre un représentant par tranche de 80 salariés dans l’établissement « commercial » (soit neuf RP) et un RP pour 40 salariés dans l’établissement « supply chain » qui regroupe plusieurs sites techniques et de production (soit 24 RP pour environ 960 salariés).
Idem dans l’accord signé chez PSA, qui prévoit un RP par tranche de 700 salariés dans les établissements tertiaires, un RP par tranche de 500 salariés dans les établissements industriels de 500 à 3 500 salariés, mais un RP par tranche de 140 salariés dans les établissements industriels de plus de 8 000 salariés. En tout, PSA met en place 269 représentants de proximité.
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Des représentants de proximité parfois élus sur listes syndicales
Le code du travail indique que les représentants de proximité sont membres du CSE ou désignés par lui, mais ne précise pas leur mode de désignation. Ce sont donc les accords qui traitent de cette question.
Chez Coca-Cola par exemple, les RP sont élus par un scrutin de liste avec représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. Ces listes étant présentées par les organisations syndicales représentatives.
Les syndicats gardent généralement la main sur les candidatures des représentants de proximité. À la Maif, les candidats que les organisations syndicales entendent présenter devront en outre figurer en annexe de la liste des candidats aux élections du CSE, afin que les salariés aient « une visibilité des représentants de proximité qui pourraient être désignés par le CSE ». Par ailleurs, les syndicats sont tenus de prendre en compte les aptitudes des aspirants représentants du proximité en matière de « rigueur et fiabilité, polyvalence, écoute, diplomatie et sens du contact, capacité d’analyse et de synthèse, efficacité et légitimité professionnelles ».
Les représentants de proximité ne sont donc pas nécessairement membres titulaires ou suppléant du CSE ; en revanche, ils doivent généralement être salariés des sites sur lesquels ils sont désignés. C’est ce que prévoit l’accord Coca-Cola pour son établissement « supply chain » : trois RP devront être salariés de l’usine de Castanet-Tolosan, cinq de l’usine Pennes-Mirabeau, six de l’usine de Grigny, etc. Un quota de RP cadres est également défini.
Les représentants de proximité sont-ils des salariés protégés comme les autres ? |
Les représentants de proximité sont des salariés protégés (art. L2411-1 du code du travail). À ce titre, ils ne peuvent être licenciés sans l’autorisation de l’inspection du travail. Cette protection dure le temps du mandat (qui prend fin avec le mandat des élus du CSE) et six mois après son expiration.
Elle s’applique également aux candidats à la fonction de représentant de proximité, pendant six mois à partir du dépôt de candidature. Le non-respect par l’employeur de ces dispositions l’expose à une peine maximale d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende. |
Missions du représentant de proximité : application du droit et SSCT
Les représentants de proximité se voient généralement attribuer le rôle auparavant confié aux délégués du personnel, à savoir la présentation des réclamations individuelles et collectives des salariés relatives aux règles applicables dans l’entreprise.
Mais ils sont aussi chargés de missions plus ou moins précises en matière de santé, sécurité et conditions de travail.
C’est le cas par exemple pour les représentants de proximité désignés à la MGEN, dont l’accord précise qu’ils sont « à l’écoute du terrain », « constituent de véritables relais du CSE » et agissent « comme une courroie de transmission des observations issues ou reçues du terrain ». Ils sont ainsi chargés, en matière de santé, sécurité et conditions de travail (SSCT), de :
- transmettre au CSE toute situation paraissant relever d’un droit d’alerte (atteinte aux droits des personnes ou danger grave et imminent) ;
- contribuer à la promotion de la SSCT au niveau local autour du document unique ;
- transmettre au CSE ou à la CSSCT les suggestions des salariés en matière de prévention des risques et de conditions de travail, les alertes en matière de RPS ou harcèlement ;
- procéder sur délégation de la CSSCT aux inspections régulières et aux enquêtes en matière d’accidents du travail ou de maladies professionnelles.
Chez Xerox Technology Services par exemple, l’accord attribue en outre aux représentants de proximité, un rôle dans la prévention des situations de harcèlement et des risques psychosociaux, l’identification des charges de travail excessives, la préconisation d’améliorations dans l’organisation du travail ou de la qualité de vie au travail, l’analyse des risques professionnels, l’aménagement des postes de travail…
D’autres missions spécifiques peuvent être confiées aux représentants de proximité : accompagner l’agent de contrôle de l’inspection du travail en cas d’absence d’un élu du CSE (Coca-Cola), prendre en charge la gestion locale des ASC (MGEN), ou encore « assurer si nécessaire un rôle d’accompagnement et de médiation entre les salariés et leur manager notamment lors des entretiens annuels d’évaluation » (Gemalto).
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Les moyens des représentants de proximité : plus ou moins généreux
Les représentants de proximité ne se voient pas toujours attribuer d’heures de délégation, notamment lorsqu’ils sont également élus du CSE.
C’est pourquoi chez Sequoiasoft, seuls les RP qui ne sont pas titulaires du CSE bénéficient de deux heures de délégation par mois.
D’autres entreprises sont plus généreuses : elles octroient à leurs représentants, 3 à 7 heures par mois selon l’effectif du site à la MGEN, 8 heures par mois chez Total, 10 heures par mois chez PSA automobiles, et 25 heures mensuelles aux Aéroports de Lyon.
Déclinant les règles applicables aux titulaires du CSE, l’accord signé chez Naval Group prévoit un contingent annuel d’heures à partager entre les RP de chaque établissement, dont le nombre peut varier en fonction des concertations menées localement avec les organisations syndicales. Enfin chez Xerox, les membres de la CSSCT peuvent transférer aux représentants de proximité des heures prises dans un « pot commun », créé dans chaque établissement pour les CSSCT.
De rares accords abordent la formation des représentants de proximité. C’est le cas chez Coca-Cola, qui leur accorde deux jours de formation en matière d’hygiène, de sécurité et conditions de travail. Ou chez Gemalto, qui prévoit une formation de trois jours, entièrement prise en charge par l’entreprise et choisie par les organisations syndicales. Les représentants de proximité de Total ont accès à la même formation SSCT (5 jours) que les membres du CSE et de la CSSCT.
D’autres textes listent des moyens matériels ou de communication (local, téléphone ou ordinateur portables, frais de déplacement, adresse mail spécifique…). La Maif prévoit un « espace digital d’échange de type Yammer ou Sharepoint dédié à la seule communication entre représentants ».
Des réunions et des commissions dédiées aux représentants de proximité
Une fois les représentants de proximité outillés, comment leur action est-elle intégrée dans le système des relations sociales de l’entreprise ? Les signataires des accords ont parfois imaginé des modalités de fonctionnement particulières (réunions…) pour favoriser les interactions entre représentants de proximité et directions locales, CSE et CSSCT.
Par exemple, chez Sequoiasoft, une réunion trimestrielle est organisée entre les représentants de proximité et les responsables de sites. Elle est consacrée aux questions « à résonnance locale » en matière de sécurité et de conditions de travail et donne lieu à l’établissement d’un compte-rendu transmis au CSE et au service RH de l’entreprise.
L’accord Coca-Cola institue des « commissions de proximité » dans chaque usine ou service de l’établissement supply-chain. Ces commissions regroupent les représentants de proximité du site et un représentant de la direction locale. Elles tiennent quatre réunions par an, auxquelles un membre du CSE est systématiquement invité.
À la MGEN, les représentants de proximité sont invités à déposer les réclamations individuelles et collectives des salariés sur un « espace digitalisé ». Les directions locales ont ensuite sept jours pour y apporter une réponse. Un bilan de ces réponses est ensuite présenté au sein d’une « commission de proximité » instituée dans chaque CSE d’établissement, et inscrit à l’ordre du jour de la réunion suivante. Ce bilan « permet de recenser et d’analyser les problématiques récurrentes portées à la connaissance du représentant de l’employeur par le relai des RP » peut-on lire dans l’accord.
Élodie Sarfati
A savoir égal
Agence de digital learning en social-RH
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