Accord CSE. Anticiper pour éviter un « dialogue social dénaturé et dégradé », APEI de l’Aube

L’accord conclu à l’APEI de l’Aube pour la mise en place du CSE fait partie des textes innovants promus par le ministère du Travail en matière de dialogue social. Direction et partenaires sociaux ont dû trouver le bon équilibre pour faire des ordonnances de septembre 2017 une « opportunité ».

Dans son contenu, l’accord conclu en mars 2019 pour établir le nouveau comité social et économique de l’APEI de l’Aube – une association spécialisée dans la prise en charge du handicap mental – illustre la volonté de préserver la qualité du dialogue social dans la structure.

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Le dirigeant et les syndicats de l’APEI de l’Aube ont conclu un accord pour la mise en place du CSE aux conditions « mieux-disantes » que le minimum légal. Photo : DR

« On s’y est pris suffisamment tôt pour préparer les choses », confie Frédéric Sergent, directeur général de cette association employant plus de 1 000 salariés dans quelque 30 établissements et services. Courant 2018, il a donc procédé à des échanges « sur les objectifs » avec la CGT (seule organisation syndicale représentative) et l’Unsa, syndicat minoritaire mais admis à la table. Avant que cette dernière ne se déroule d’octobre 2018 à mars 2019 à raison de deux réunions par mois et se conclue par un accord unanime, le 29 mars 2019.

Avant même la négociation, affirme Frédéric Sergent, « on est parti dans une volonté commune de signer », raconte le directeur général. « Il fallait transformer la situation en opportunité pour l’employeur comme pour le syndicat » et « ne pas partir sur une base minimum », souligne Frédéric Sergent.

 

Négociation de l’accord CSE : des craintes des deux côtés

« Nous voulions faire mieux que les ordonnances », souligne de son coté Bruno Rossi, délégué syndical central CGT et signataire de l’accord. Appliqué à la lettre, le barème du nombre d’élus a pour effet de réduire considérablement leur présence sur le terrain

L’ordonnance du 22 septembre 2017 bouleverse par ailleurs les méthodes de travail des élus syndicaux dont les mandats étaient jusqu’ici spécialisés entre délégués du personnel, élus au comité d’entreprise et au CHSCT. Cette restructuration est aussi une source d’interrogations pour le directeur de l’APEI de l’Aube : « Comment peut-on avancer lors d’une réunion où l’on évoque tous les sujets avec plus de membres qu’avant ? ».

 

Côté syndical, l’accord CSE représente malgré tout des pertes

A raison de deux réunions par mois pendant six mois, les deux parties ont finalement négocié un accord mieux-disant par rapport à la nouvelle législation, même si les syndicats perdent au global en nombre de représentants.

Le CSE comptera ainsi 18 titulaires et 18 suppléants (contre le minimum de 15 prévu dans les ordonnances), 23 représentants de proximité et 12 élus au CSSCT contre au global une « centaine d’élus » auparavant, regrette Bruno Rossi. Malgré tout, il signe l’accord : « 18 c’est mieux que 15, il y a un principe de réalité », explique-t-il.

D’autres mesures plus favorables aux minima prévus par la loi sont incluses pour atténuer les effets de la baisse du nombre d’élus, met en avant la direction : trois délégués syndicaux pour l’organisation ayant la majorité des voix, participation de 25 % des suppléants aux réunions du CSE de manière tournante, ou encore crédit de 30 heures mensuelles supplémentaires à répartir entre les membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail.

 

Les représentants de proximité : un point majeur

Autre élément clé de la négociation : la désignation des 23 représentants de proximité, une option facultative selon la loi. « Il faut de l’information qui remonte, le pire serait de laisser la place vide, au risque d’un dialogue social dénaturé et dégradé », souligne Frédéric Sergent. « On a insisté là-dessus », indique Bruno Rossi, du côté de la CGT.

La définition des missions de ces représentants de proximité ainsi que le nombre d’heures de délégation – fixé à quatre par mois – ont été un point important des discussions. Les représentants de proximité sont chargés de « conserver un dialogue social entre salariés et représentant de l’employeur au sein même de l’établissement », peut-on lire dans l’accord. Pour assurer la liaison, des réunions sont organisées au moins quatre fois par an avec un membre du CSE à l’échelle de l’établissement.

 

Rendez-vous dans quatre ans pour la renégociation de l’accord CSE

« Le gain se verra dans quelques temps. Si je continue à avoir un dialogue social de qualité et que j’arrive à faire vivre le CSE, ce sera, de fait, une réussite », souligne Frédéric Sergent. Pour parer des situations imprévues, l’accord – valable le temps de la durée du CSE, c’est-à-dire quatre ans – prévoit une commission de suivi qui pourra formuler des propositions d’amélioration.

« On a quatre ans pour expérimenter la mise en place du CSE, on verra et on réajustera au fil dans l’eau dans le cadre de la commission de revoyure » confirme Bruno Rossi. Malgré des dispositions plus favorables, le syndicaliste s’inquiète en effet de moindres « remontées » de terrain que va entraîner l’accord.

Mais tout n’est pas encore perdu. « Tout ce qu’on n’a pas réussi à négocier, on va l’aborder à nouveau à partir du règlement intérieur du CSE. Il est possible de sanctuariser des acquis ». Ce sera par exemple la négociation de la hausse des heures supplémentaires de certains membres du CSE ou encore l’abondement du budget de l’instance.

 

Catherine Abou El Khair