Formation des salariés : quelles sont les obligations de l’employeur ?

La formation des salariés vient de faire l’objet d’une réforme d’ampleur. Si les entreprises sont désormais invitées à faire du développement des compétences un levier de compétitivité, elles ne sont pas moins tenues par certaines obligations envers les salariés.

Dans les entreprises, la formation est souvent synonyme d’obligation financière. Celles-ci doivent en effet s’acquitter d’une contribution obligatoire au titre de la formation et de l’apprentissage (1,68 % de la masse salariale dans les entreprises d’au moins 11 salariés). Mais les obligations de l’employeur vont bien au-delà, et relèvent de l’exécution loyale du contrat de travail.

 

L’employeur doit veiller à l’employabilité du salarié

Il appartient à l’employeur (article L6321-1 du code du travail) :

  • d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail ;
  • de veiller au maintien de leur employabilité, c’est-à-dire de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.
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Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de formation des salariés ? Photo : Unsplash

Dès lors, le fait de laisser un salarié sans formation pendant plusieurs années peut lui causer un préjudice, en entravant son évolution professionnelle ou sa capacité à retrouver un emploi. Cela peut se traduire, en cas de litige, par le versement de dommages et intérêts.

 

Dans quels cas les juges constatent-ils le préjudice ?

Le manquement de l’employeur à son obligation de formation a été reconnu dans plusieurs cas de figure. Par exemple :

  • Pour une salariée titulaire d’un BTS « industries agroalimentaires », à qui l’employeur n’avait proposé que deux formations en huit ans de présence, l’une sur la sécurité incendie du bâtiment et l’autre sur l’hygiène et la qualité. La salariée ayant été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement, les juges ont estimé qu’elle aurait dû bénéficier d’autres formations, et que le manquement de l’employeur avait eu pour effet de limiter sa recherche d’emploi et de compromettre son évolution professionnelle. Il a dû lui verser une indemnité de 6 000 euros (cour de cassation, arrêt du 5 octobre 2016).
  • Pour un salarié licencié pour motif économique, qui n’avait suivi aucune formation en 19 ans de présence. Les juges ont estimé que l’employeur « se trouvait à l’origine de l’impossibilité de reclassement » (cour de cassation, arrêt du 7 juin 2018).

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Une formation au moins tous les six ans

Mais à quelle fréquence faut-il former les salariés ? La loi « Avenir professionnel » du 5 septembre 2018 apporte la réponse : au moins tous les six ans, en tout cas dans les entreprises d’au moins 50 salariés.

En effet, dans ces entreprises, l’employeur doit, tous les deux ans, organiser un entretien professionnel avec chaque salarié, afin d’échanger sur ses perspectives d’évolution. De plus, tous les six ans, un état des lieux récapitulatif doit être établi, afin de vérifier, notamment, que le salarié a pu bénéficier, au cours de la période, d’au moins une formation « non obligatoire » (article L6315-1 du code du travail).

 

Formation obligatoire ou non obligatoire : quelle différence ?

Depuis la réforme de 2018, la loi distingue deux types d’actions de formation :

  • Celles qui conditionnent l’exercice d’une activité ou d’une fonction, en application d’une convention internationale ou de dispositions légales et réglementaires. Ces formations se déroulent obligatoirement sur le temps de travail.
  • Les autres actions de formation, dites non obligatoires, qui peuvent sous condition, se dérouler hors temps de travail.

 

Le manquement de l’employeur donne lieu, là encore, à des sanctions financières. Le salarié qui n’a pas bénéficié des entretiens professionnels et d’une formation non obligatoire doit en effet voir son compte personnel de formation abondé plus généreusement par l’employeur. Cet abondement correctif est de 3 000 euros, multiplié par le nombre de salariés lésés.

 

Quel délai pour organiser l’entretien professionnel récapitulatif ?

L’ordonnance du 21 août 2019 a corrigé certaines dispositions de la loi « Avenir professionnel », parmi lesquelles le délai pour organiser l’entretien bilan des six ans. En effet, cette obligation ayant été instaurée par la loi du 5 mars 2014, les premiers entretiens récapitulatifs auraient dû se dérouler avant mars 2020. L’ordonnance prolonge ce délai jusqu’au 31 décembre 2020.

L’employeur devra alors vérifier :

  • Soit que le salarié a bénéficié d’au moins une formation non obligatoire, en application des dispositions de la loi « Avenir professionnel » ;
  • Soit que le salarié a bénéficié d’au moins deux mesures parmi les trois suivantes : une formation, l’acquisition d’éléments de certification, une progression salariale ou professionnelle, en application des dispositions précédentes.

À partir de 2021, seules les nouvelles obligations s’appliqueront.

 

Enfin, l’employeur a également une obligation d’information, puisque les entretiens professionnels doivent être l’occasion de donner au salarié des renseignements :

  • sur la VAE, validation des acquis de l’expérience
  • sur l’activation de son CPF et les abondements que l’employeur est susceptible de financer,
  • sur le conseil en évolution professionnelle (CEP).

 

Une obligation qui s’impose aussi au salarié

 

On le voit, les entreprises ne doivent pas sous-estimer leurs obligations envers leurs salariés. En contrepartie, elles peuvent exiger qu’ils s’y soumettent. Le refus de suivre une formation peut ainsi justifier un licenciement pour faute. Sauf, bien sûr, dans les cas où l’accord du salarié est requis (par exemple si la formation se déroule hors temps de travail, s’il s’agit d’une VAE ou d’un bilan de compétences) ou s’il a un motif légitime pour s’y opposer, comme des frais de transport laissés à sa charge.

 

Elodie Sarfati
A savoir égal
Agence de digital learning en social-RH