Management. Comment devenir une organisation apprenante ?

Propices à la diffusion des innovations, bénéfiques pour la qualité du travail, le modèle d’organisation apprenante peine à se développer en France. C’est ce que révèle une étude de France Stratégie. Pour lever les freins, les auteurs plaident notamment pour le développement de la formation en situation de travail.

Une « organisation qui cherche à augmenter continuellement les capacités d’apprentissage de ses membres pour atteindre des objectifs partagés et anticiper les transformations futures » : telle est la définition de l’organisation apprenante, résumée par France Stratégie dans son rapport « Promouvoir les organisations du travail apprenantes : enjeux et défis pour la France ».

 

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Travail non répétitif, autonomie et tâches complexes

organisation apprenante

Dans une organisation apprenante, les salariés participent activement aux décisions. Photo : Unsplash

Les organisations apprenantes se caractérisent ainsi par une plus forte autonomie des salariés, qui participent davantage à la fixation de leurs objectifs avec leur hiérarchie, par un contenu du travail non répétitif, reposant sur la résolution de problèmes complexes, et par la possibilité de développer ses compétences et d’apprendre des choses nouvelles au travail. Elles se distinguent de trois autres modèles d’organisation du travail : le modèle taylorien, celui de l’organisation « simple » et celui du lean management.

Trois autres modèles d’organisations du travail

L’organisation apprenante tranche avec trois autres modèles décrits par France Stratégie :

  • Le lean management se caractérise par un contenu cognitif du travail aussi élevé que dans les organisations apprenantes (apprentissage, résolution de problèmes complexes) mais par une autonomie plus réduite et des contraintes de rythme plus élevées.
  • Le modèle taylorien cumule faible autonomie et tâches monotones et répétitives. Il est à l’opposé du modèle de l’organisation apprenante.
  • La « structure simple » se distingue par des procédures de travail peu formalisées, une faible diffusion du travail en équipe et une moindre complexité des tâches. Comme le modèle taylorien, elle est peu propice à l’apprentissage dans le travail.

 

Parmi ces quatre modèles, celui de l’organisation apprenante est le plus vertueux soulignent les auteurs, à la fois économiquement et socialement.

 

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L’organisation apprenante : un levier pour l’innovation

D’une part, en permettant l’apprentissage en continu, les organisations apprenantes s’avèrent plus réactives, et capables de s’adapter plus vite aux changements. Elles favorisent également le développement d’innovations. Deux leviers essentiels pour faire face aux ruptures qui s’annoncent d’ici à 2030, selon France Stratégie, avec notamment « l’avènement de l’ère du big data et de l’intelligence artificielle ». Publiée le 1er avril 2020, l’étude ne mentionne pas la crise du coronavirus. On peut considérer que celle-ci ne fait qu’accentuer les défis à relever pour les entreprises, sommées de se réinventer dans l’urgence et la tourmente.

 

Une organisation avec moins de risques psychosociaux

D’autre part, les entreprises apprenantes améliorent la qualité du travail. Selon l’étude de France Stratégie, les salariés travaillant dans ces organisations sont moins exposés aux risques psychosociaux : ils sont plus nombreux à pouvoir influer sur les décisions concernant leur travail, à avoir une vision positive de leur organisation et de leur manager de proximité, et s’estiment plus souvent reconnus dans leur travail. Ils sont également plus souvent en CDI que dans les autres types d’organisation.

Deux exemples d’entreprises pionnières

Dans les années 80, Volvo a été l’une des premières entreprises à mettre en place une organisation apprenante. Les équipes, polyvalentes et autonomes, pouvaient décider collectivement de leurs méthodes de travail et fixer leurs objectifs de production. L’enjeu était de stimuler l’innovation et d’améliorer les processus de fabrication en encourageant la capacité d’initiatives et la résolution de problèmes.

En France, à la même époque, l’équipementier automobile Favi a suivi la même logique en créant des « mini-usines » autonomes de cinq à 25 salariés. « Les opérateurs prenaient ainsi contact eux-mêmes avec les clients, en lieu et place des commerciaux, acquérant ainsi une plus grande maîtrise de leur travail et une vision transversale de la chaîne de production. »

 

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Problème : ce modèle peine à s’imposer en France, alors même que de plus en plus d’entreprises s’en réclament. Certes, la proportion de salariés travaillant dans une organisation apprenante — 43 % — est plus élevée que la moyenne européenne (40 %). Mais il a reculé de trois points sur la période de 2005 à 2015, au profit du lean management (qui a augmenté de 10 points pour concerner désormais 32 % des salariés français et 27 % des salariés européens).

Résultat : la France se révèle bien plus en retrait que les pays nordiques et les Pays-Bas —qui ont mis en place des politiques publiques visant à moderniser les organisations du travail — où la proportion de salariés concernés atteint entre 54 % et 62 %.

 

En France : un plan de déploiement des organisations apprenantes

Qu’est-ce qui bloque ? Pour France Stratégie, c’est le système français d’éducation et de formation continue qui pèche.

Le premier accorde une trop grande valeur à la filière académique, au détriment de la filière technique, ce qui « accroît les chances d’adopter des organisations du travail hiérarchisées ». Le second, qui en découle, repose sur des cours ou des stages se déroulant en dehors de l’entreprise, privilégiant des savoirs théoriques et formels. « Les actions de formation sur le lieu de travail, qui visent à accroître les compétences techniques, organisationnelles et cognitives de manière plus opérationnelles, sont moins développées que dans les pays d’Europe du Nord et scandinaves », soulignent les auteurs.

France Stratégie recommande donc de mettre en place un programme national pour le développement des organisations apprenantes : sensibilisation et accompagnement des entreprises, meilleure connexion des problématiques économiques aux questions liées à la qualité du travail, mise en réseau d’acteurs, construction d’une offre de formation professionnelle adaptée aux compétences organisationnelles, sociales et cognitives sur le lieu de travail, plateforme de connaissances digitalisée, lancement de projets de recherche sur les innovations organisationnelles, etc.

Quant aux entreprises ? Celles qui voudront s’engager dans la voie de l’entreprise apprenantes devront repenser leurs modes de management, afin qu’il favorise la culture de l’apprentissage et la participation des salariés dans les processus de décision. Elles devront également mettre en place « une gestion des ressources humaines en cohérence avec cette vision ».

 

Élodie Sarfati
À savoir égal
Agence de digital learning en social-RH