L’employeur qui souhaite recourir au vote électronique lors des élections professionnelles doit en premier lieu ouvrir des négociations avec les syndicats. Mais que se passe-t-il en l’absence de délégué syndical ou en cas d’échec des discussions ? La cour de cassation vient de préciser quelques règles.
Jusqu’en 2008, l’employeur qui souhaitait recourir au vote électronique lors des élections professionnelles devait impérativement conclure un accord d’entreprise. Depuis, cette règle a été assouplie, le code du travail prévoyant que « à défaut d’accord, l’employeur peut décider de ce recours qui vaut aussi, le cas échéant, pour les élections partielles se déroulant en cours de mandat » (art. R2314-5 du code du travail).
Il est donc possible pour l’employeur de recourir unilatéralement au vote électronique. Mais à quelles conditions ? Dans un arrêt du 13 janvier 2021, la cour de cassation a répondu à cette question en apportant plusieurs précisions.
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La Haute cour a ainsi jugé que « ce n’est que lorsque, à l’issue d’une tentative loyale de négociation un accord collectif n’a pu être conclu, que l’employeur peut prévoir par décision unilatérale la possibilité et les modalités d’un vote électronique ». Autrement dit, la négociation d’un accord est un préalable obligatoire.
Cependant, cette obligation ne s’applique que si des organisations syndicales sont présentes dans l’entreprise. En l’absence de délégué syndical, poursuit l’arrêt, la décision unilatérale peut « être prise par l’employeur sans qu’il soit tenu de tenter préalablement une négociation selon les modalités dérogatoires prévues aux articles L. 2232-23 à L. 2232-26 du code du travail ». L’employeur n’aura donc pas à tenter de négocier un accord avec un salarié mandaté ou le CSE, compte tenu notamment du « temps contraint de préparation des élections professionnelles ».
Un accord de droit commun pour le vote électronique
L’accord prévoyant le vote électronique est distinct du protocole d’accord préélectoral. C’est donc un accord de droit commun, qui doit être majoritaire pour être applicable. Il doit en outre être signé avant le protocole d’accord préélectoral. Ce dernier doit en effet y faire référence et comprendre, en annexe, le descriptif précis du système retenu et du déroulement des opérations électorales.
Respect du droit électoral et des données personnelles
L’accord sur le vote électronique (ou la décision unilatérale) comporte le cahier des charges que devra respecter le prestataire.
Ce cahier des charges prévoit les caractéristiques techniques garantissant, à toutes les étapes du scrutin, le respect des principes du droit électoral : sincérité et intégrité du vote, confidentialité du scrutin, liberté de vote, unicité du vote. Il traite également des modalités d’accès aux données personnelles, de leur conservation, des garanties en matière de sécurité informatique et de traitement des dysfonctionnements, etc. Il doit a minima intégrer les prescriptions du code du travail (articles R2314-6 et suivants). À savoir :
- assurer la confidentialité des données transmises, notamment de celles des fichiers constitués pour établir les listes électorales,
- assurer la sécurité de l’adressage des moyens d’authentification, de l’émargement, de l’enregistrement et du dépouillement des votes,
- garantir le fait que les fichiers comportant les éléments d’authentification des électeurs, les clés de chiffrement et de déchiffrement et le contenu de l’urne soient uniquement accessibles aux personnes chargées de la gestion et de la maintenance du système,
- prévoir deux systèmes informatiques distincts, dédiés et isolés pour traiter les données relatives aux électeurs inscrits sur les listes électorales (« fichier des électeurs ») ainsi que celles relatives à leur vote (« urne électronique »),
- prévoir un système de vote pouvant être scellé à l’ouverture et à la clôture du scrutin.
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Vote électronique. Attention au RGPD ! |
Même s’il recourt à un prestataire, l’employeur reste responsable des données personnelles des salariés traitées pour mener à bien le vote électronique. Dans sa délibération du 25 avril 2019, la Cnil a adopté une méthodologie permettant à l’employeur d’identifier son niveau de risque et de prendre les mesures adaptées.
La Cnil a ainsi identifié trois niveaux de risque, en fonction du nombre de connexions, de la localisation des votants, d’éventuelles menaces, etc. Elle propose ensuite des solutions techniques comme l’envoi de l’identifiant et du mot de passe par deux canaux de communication distincts, la mise en place d’un dispositif de secours en cas de panne, etc. Ces solutions devront être intégrées au cahier des charges le cas échéant. Si le risque est trop élevé, la Cnil recommande de renoncer au vote électronique. |
Les autres mesures obligatoires en matière de vote électronique
Pour mettre en place le vote électronique, vous devrez en outre prévoir un certain nombre de mesures :
- faire expertiser le système mis en place par un expert indépendant, dont le rapport pourra être consulté par la Cnil. Cette étape peut être demandée au prestataire ;
- fournir à chaque salarié une notice d’information détaillant le déroulement du scrutin électronique ;
- former les représentants du personnel ainsi que les membres du bureau de vote au système électronique retenu ;
- mettre en place une cellule d’assistance technique.
Quel est le rôle de la cellule d’assistance technique ?
La cellule d’assistance technique est chargée de veiller au bon fonctionnement et à la surveillance du système de vote électronique.
Pour cela, elle devra notamment exercer un certain nombre de contrôles en présence des organisations syndicales (ou des représentants des listes de candidats) :
- Avant que le scrutin ne soit ouvert, la cellule d’assistance teste le système et vérifie que l’urne électronique est bien vide, scellée et chiffrée ; elle teste également le système de dépouillement.
- À l’issue du scrutin (et avant le dépouillement), elle contrôle le scellement du système.
Le code du travail n’impose rien s’agissant de la composition de la cellule d’assistance technique, qui peut donc inclure des représentants de l’employeur, des salariés, des techniciens informatiques, des membres du bureau de vote… Il précise toutefois que celle-ci peut intégrer des représentants du prestataire.
Élodie Sarfati
A savoir égal
Agence de digital learning spécialisée en social/RH
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