Vidéo-surveillance, géolocalisation, logiciels espions… De nombreux outils permettent la surveillance des salariés et de leurs activités. Si l’employeur a le droit d’exercer un tel contrôle, il doit également veiller au respect de la vie privée des personnes. Comment concilier ces deux impératifs ?

L’employeur doit respecter plusieurs principes avant d’utiliser des moyens de surveillance des salariés. Photo : Unsplash
Le droit au respect de la vie privée vaut pour le salarié comme pour tout citoyen : c’est le sens de l’article L1121-1 du code du travail, qui dispose que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».
Ce droit fondamental doit conduire l’employeur à une grande vigilance lorsqu’il décide de mettre en place un dispositif de surveillance. Il doit, en outre, respecter les obligations du règlement général de protection des données (RGPD).
La mise en œuvre d’un système de contrôle doit notamment être conforme à trois principes clés : la finalité, la proportionnalité et la transparence.
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Surveillance salariés. Avoir une finalité pertinente
L’employeur doit d’abord avoir une bonne raison de mettre en place un système de surveillance. Il doit donc s’interroger sur sa finalité : est-elle précise et légitime ? Par exemple, il est légitime pour un employeur de contrôler les horaires d’entrée et de sortie, l’accès aux bâtiments ou encore de garantir la sécurité des biens et des personnes. En revanche, celui-ci ne peut pas, par exemple, justifier le contrôle des déplacements des représentants du personnel, ou mettre les locaux syndicaux sous vidéosurveillance.
Pas de surveillance constante |
L’employeur ne peut pas placer les salariés sous surveillance permanente, sauf circonstances particulières, par exemple si les salariés manipulent des objets de grande valeur. En 2019, la Cnil a ainsi mis en demeure le gérant d’une boutique qui filmait ses salariés en continu afin de pouvoir les localiser lorsqu’il était absent.
Ce principe est également valable en télétravail. Ainsi, un employeur ne peut pas imposer à un salarié en télétravail d’allumer constamment sa webcam ou son micro, de se prendre régulièrement en photo ou encore installer un système d’enregistrement automatique de son activité type keylogger (logiciel qui enregistre les frappes sur le clavier). |
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Des données collectées strictement nécessaires
Deuxième principe : la proportionnalité. Vous ne pourrez pas collecter de données personnelles qui excèdent l’objectif défini, et vous devrez veiller à les limiter au strict nécessaire, en utilisant le système le moins intrusif possible. En 2020, la Cnil a par exemple mis en demeure des employeurs qui avaient mis en place des badgeuses photographiques. Un dispositif jugé excessif, puisqu’il aboutissait à prendre en photo les salariés plusieurs fois par jour, alors qu’un système de badge classique suffit à contrôler les horaires de travail. Saisie par les syndicats, la cour de cassation a, pour sa part, sanctionné en 2018 une entreprise qui utilisait un système de géolocalisation pour contrôler la durée du travail des salariés. Un tel système, a estimé la Haute cour, n’est licite « que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, fût-il moins efficace ».
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A lire aussi : Télétravail et surveillance des salariés : la Cnil publie ses recommandations
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Le CSE doit être informé et consulté
Troisième principe, la transparence. La mise en place d’un dispositif de surveillance des salariés doit faire l’objet d’une information des salariés (finalité, moyen de collecte des données, accès aux données, durée de conservation, droit d’accès et de rectification, etc.) mais aussi de leurs représentants. Le CSE doit en effet être « informé et consulté, préalablement à la décision de mise en œuvre dans l’entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés » (article L2312-38 du code du travail).
Sans cette information préalable, gage de loyauté dans la collecte des données, les informations issues de la surveillance ne pourront pas être utilisées pour sanctionner un salarié, car la preuve sera jugée illicite par les juridictions civiles. C’est ce qu’a rappelé la cour de cassation dans un arrêt du 11 décembre 2019.
Dans cette affaire, une banque avait déployé un système informatique de traçabilité destiné à assurer la sécurité des données bancaires. Or, cet outil enregistrait également les actions opérées par les employés. Il avait ainsi révélé qu’un salarié avait consulté des données sur des clients qui n’étaient pas les siens, ce qui avait justifié son licenciement pour faute grave. Mais la cour de cassation a requalifié la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, car l’employeur aurait dû informer et consulter les IRP « avant d’utiliser le dispositif litigieux pour vérifier si le salarié procédait à des consultations autres que celles des clients de son portefeuille ».
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Pas d’information-consultation hors des locaux de travail |
La jurisprudence tempère l’obligation de consulter le CSE si les moyens de surveillance sont placés hors des locaux où travaillent les salariés. Ainsi, dans un arrêt également publié le 11 décembre 2019, la cour de cassation a validé le licenciement pour faute grave d’un salarié, filmé en train de fracturer un placard dans le parking de l’entreprise. Le système de vidéosurveillance n’ayant pas pour finalité le contrôle des salariés, mais la sécurité des biens situés dans le parking, il n’avait pas à être porté à la connaissance des salariés et des représentants du personnel. La preuve de la faute du salarié était donc bien recevable. |
Élodie Sarfati
À savoir égal
Agence de digital learning spécialisée social-RH
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