Plateforme et travailleur indépendant. Des droits sociaux en construction

Doucement, les choses changent. Depuis la loi Travail de 2016, les plateformes doivent rembourser aux travailleurs indépendants leurs cotisations AT/MP volontaires à condition que leur chiffre d’affaires dépasse 5 100 euros par an. La loi d’orientation des mobilités de 2019 incite les plateformes à fixer dans une charte RSE, les droits et obligations des travailleurs indépendants.

Mais, comme le souligne Michel Miné, professeur de droit au Cnam dans un article à lire sur le site The Conversation, le conseil constitutionnel a abrogé partiellement certaines dispositions de la loi LOM parce qu’elles « permettent aux opérateurs de plateforme de fixer eux-mêmes, dans la charte, les éléments de leur relation avec les travailleurs indépendants, qui ne pourront être retenus par le juge pour caractériser l’existence d’un lien de subordination juridique et, par voie de conséquence, l’existence d’un contrat de travail ».

 

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Statut de travailleur indépendant : à mi-chemin entre travailleurs et salariés

De l’Italie à la France en passant par l’Allemagne et le Royaume-Uni, la bataille judiciaire autour du statut des travailleurs des plateformes fait rage. Le contentieux se développe autour de la nature de la relation entre des travailleurs indépendants et des sociétés utilisant une plateforme numérique.

Concrètement, dans les différentes affaires passées devant les tribunaux, les juges cherchent à savoir si la relation qui lie les deux parties relève du contrat de travail ou du contrat commercial. Et de fait cette question est loin d’être toujours tranchée. En mars 2020 par exemple, la cour de cassation a requalifié en contrat de travail la relation entre un chauffeur et la société Uber. A rebours de la Haute juridiction, la cour d’appel de Paris a considéré en avril 2021 qu’un livreur Deliveroo n’était pas salarié.

De l’autre côté de la Manche, la cour suprême britannique a estimé, le 19 février 2021, que les chauffeurs Uber pouvaient être considérés comme « travailleurs », un statut à mi-chemin entre celui du salarié et celui du travailleur indépendant qui permet de disposer de certains droits sociaux.

En Italie, le parquet de Milan a récemment requalifié le contrat de 60 000 travailleurs de quatre plateformes pour les faire bénéficier des règles de santé et sécurité du travail… En Europe, « deux voies se dessinent pour décrire le statut des travailleurs des plateformes : soit le salariat, soit la reconnaissance de la qualité de « travailleurs » avec des droits significatifs (…) conformes au minimum aux engagements internationaux et européens », souligne Michel Miné, professeur de droit au Cnam dans un article paru sur le site The Conversation.

En Espagne, le gouvernement a adopté un décret, le 11 mai dernier, qui vise à clarifier la situation juridique de milliers de coursiers. Les sociétés de livraison de nourriture à domicile sont donc désormais obligées d’employer leurs coursiers au titre de salariés dans les trois mois qui viennent. Cette décision fait suite à celle de la cour suprême d’Espagne, en 2020, qui avait statué pour l’embauche des travailleurs comme salariés, privilégiant ainsi les droits du travail à la négociation collective.

En France, l’un des acteurs de cette économie, la société Just Eat a choisi. La société vient d’annoncer qu’elle abandonnait le modèle du contrat commercial pour celui du contrat de travail. Elle entend recruter 4 500 livreurs en CDI dans les prochains mois.

 

Anne-Cécile Geoffroy
A savoir égal
Agence de digital learning en social-RH