Travailleurs indépendants et plateformes. Bientôt des élections professionnelles

En 2022, les travailleurs indépendants des plateformes numériques vont pouvoir désigner les organisations qui les représenteront. Une ordonnance fixe le principe d’un scrutin national sur sigle. C’est une première étape dans la structuration du dialogue social entre les chauffeurs VTC, les livreurs à vélo et les plateformes numériques.

Près de 100 000 travailleurs indépendants vont pouvoir désigner dans le courant de l’année 2022 les organisations qui défendront leurs intérêts face à leurs donneurs d’ordres. Tout du moins les chauffeurs de VTC et les livreurs à vélo, en scooter ou à tricycle.

 

travailleurs indépendants travailleurs de plateforme

Les travailleurs indépendants des plateformes pourront bientôt participer à des élections professionnelles. Photo : Unsplash

Une ordonnance du 21 avril 2021 dessine les contours des premières élections professionnelles qui devront être organisées au plus tard le 31 décembre 2022. Elle acte aussi la création de l’Arpe, l’autorité des relations sociales des plateformes d’emploi, un établissement public administratif de l’État chargé de la régulation des relations sociales entre plateformes et travailleurs indépendants mais aussi de la protection des représentants élus. Son financement sera assuré par une taxe acquittée par les plateformes dont le taux, l’assiette et le plafonnement seront fixés par la loi de finances.

 

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Comment vont s’organiser les élections professionnelles ?

Un premier cycle électoral aura lieu en 2022, sans doute au printemps selon le gouvernement. Un second scrutin se tiendra deux ans plus tard, puis les élections auront lieu tous les quatre ans. En pratique cette élection nationale à un tour concernera deux secteurs : celui des chauffeurs VTC et celui des livreurs de marchandises à vélo. Elle sera menée par vote électronique. Chaque électeur disposera d’une voix unique par secteur quel que soit le nombre de plateformes avec lesquelles il travaille. Pour être électeur, une ancienneté de trois mois d’activité est requise. L’ancienneté est appréciée au 1er jour du quatrième mois qui précède le scrutin en totalisant les mois pendant lesquels ces travailleurs ont effectué au moins cinq prestations pour une plateforme au cours des six mois précédents.

 

La genèse de l’ordonnance sur les travailleurs indépendants et les plateformes

Décembre 2020. Remise du rapport Frouin : Réguler les plateformes numériques de travail. L’ancien président de la chambre sociale de la cour de cassation, Jean-Yves Frouin y propose d’organiser des élections de représentants dans « chaque plate-forme » par un « vote électronique », surveillé par une autorité indépendante et la protection des élus.
• 11 janvier 2021. La ministre du travail Élisabeth Borne confie à Bruno Mettling (ancien DRH d’Orange) une mission sur la régulation des relations de travail dans ce secteur.
21 avril 2021. L’ordonnance reprend en grande partie les propositions avancées par la mission Mettling et pose ainsi les premières bases d’une représentation syndicale et d’un dialogue social dans ce secteur.

 

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Qui peut présenter des listes aux élections ?

Toutes les organisations syndicales, mais aussi les collectifs ou les associations de travailleurs des plateformes peuvent constituer des listes électorales. C’est une première, car les syndicats étant jusqu’alors les seules organisations dans le secteur privé à pouvoir se présenter au premier tour des élections. De fait, depuis plusieurs années le combat des chauffeurs VTC et des livreurs à vélo pour faire respecter leurs droits a surtout été porté par des associations ou des collectifs de travailleurs indépendants, parfois soutenu par la CGT et la CFDT.
Ces organisations sont très localisées sur des villes ou des bassins d’emploi où travaillent les livreurs ou les chauffeurs VTC. On trouve par exemple le Clap, collectif des livreurs autonomes de Paris, fondé en 2017 (ce dernier a annoncé sa prochaine affiliation au syndicat Sud), l’Acil, une association de chauffeurs indépendants lyonnais créée en 2018 ou encore le Clas, un collectif de livreurs autonomes de Saint-Etienne, etc.

L’autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (Arpe) est chargée d’organiser les élections et ensuite d’arrêter la liste des organisations reconnues représentatives auprès des travailleurs, au plus tard le 30 juin 2023.

 

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Quelles sont les conditions de la représentativité des organisations ?

Comme pour les élections professionnelles dans le secteur privé, la représentativité des organisations sera déterminée au regard de sept critères cumulatifs :

– le respect des valeurs républicaines,
– l’indépendance de l’organisation notamment vis-à-vis des plateformes numériques,
– la transparence financière,
– l’influence de l’organisation (elle sera appréciée au regard de son activité lors des deux premières mesures d’audience),
– le nombre d’adhérents et les cotisations collectées,
– une ancienneté minimale d’un an, ramenée à six mois pour les deux premiers scrutins.
– enfin, pour être représentatives, les organisations devront avoir recueilli 8 % des suffrages exprimés, sauf lors du premier scrutin qui fixe ce seuil à 5 %.

Quelle protection pour les représentants des travailleurs indépendants ?

Les futurs représentants des travailleurs des plateformes bénéficieront de dispositions protectrices durant leur mandat et pour une durée de six mois à l’issue de celui-ci.
Objectif : éviter toute discrimination et notamment l’annulation du contrat commercial conclu entre le travailleur et la plateforme.
Ainsi, si une plateforme souhaite rompre le contrat commercial qui la lie à un représentant des travailleurs, elle devra obtenir de l’Arpe une autorisation préalable. Cela vaut également pour la période précédant les prochaines élections professionnelles.

De même, si un représentant des travailleurs indépendants constate une baisse substantielle de son activité du fait de son engagement syndical (l’ordonnance ne précise pas le volume), celui-ci pourra saisir le tribunal judiciaire.
En matière de formation, les représentants des travailleurs se verront accorder des jours de formation au dialogue social ainsi que des heures de délégation dont l’indemnisation sera prise en charge par l’Arpe. Un décret fixera prochainement les conditions.

 

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L’ordonnance du 21 avril 2021 n’est qu’une première étape dans la structuration du dialogue social au niveau des plateformes. Elle sera complétée par des dispositions qui préciseront les modalités de négociation entre ces dernières et les représentants des travailleurs indépendants qui les utilisent. Le rapport Mettling a déjà identifié plusieurs thèmes de négociation comme les conditions de travail et les risques professionnels, les modalités de détermination du revenu des travailleurs, les conditions d’exercice de l’activité… La question de la protection sociale doit faire l’objet d’une démarche distincte à définir.

 

Anne-Cécile Geoffroy
A savoir égal
Agence de digital learning en social-RH